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lily et ses livres - Page 3

  • Avis sur : Philippe Besson, Se résoudre aux adieux

    Bernard Pivot a dit de Philippe Besson qu'il était un "spéléologue" de l'intime. Beaucoup de critiques voient en lui un raconteur d'histoires hors pair, ce qui aurait pu le conduire à reproduire indéfiniment ses oeuvres, sur un même modèle, en modifiant un peu la trame. Mais après Un instant d'abandon (voir notre critique), Philippe Besson a éprouvé le besoin d'écrire autrement. Il a choisi, dans Se résoudre aux adieux, le roman épistolaire, en se glissant corps et âme dans l'esprit d'une femme qui tente d'oublier l'homme qu'elle a aimé, qu'elle aime encore sans oser se l'avouer, en choisissant de s'éloigner : en choisissant l'exil. "Oui, je suis une femme qui vacille" lui fait-il dire. Saphira, Une femme qui ressasse ses souvenirs, comme un exutoire, mais pas un échappatoire. Chaque mot est comme une fêlure supplémentaire. "non, tu ne m'as rien laissé, que la mémoire. La mémoire, elle, freine les convalescences".

    Et c'est pour cela que Louise s'éloigne, toujours plus loin, ailleurs, nulle part, pour se retrouver, elle, perdue dans ses sentiments. Elle voyage, dans l'Orient Express, à la Havane, à New York, en Italie, où elle espère pouvoir enfin respirer. "Et si l'Italie, c'était revivre enfin ? Ne plus être écrasée par les souvenirs, mais apprendre à vivre avec eux". Mais l'exil n'est-il pas vain ? C'est la question à laquelle elle doit se confronter, chaque jour, lorsqu'elle rencontre les impasses, les boulevards inachevés, les chemins de terre que lui offrent ses souvenirs. C'est comme si le temps était suspendu et qu'elle tournait inlassablement en rond. " de toutes façons, tous les exils sont illusoires, paraît-il, l'éloignement ne règle rien, et on ne finit jamais très loin du point où on était parti."

    Sans s'en rendre compte, Louise emprunte à ces "on-dit", puisqu'elle finira par retourner sur Paris, l'écriture ayant juste aidé à poser des mots sur ses maux, mais pas à les exorciser. "seule avec ton souvenir, et ton absence, et ton silence, et l'écriture qui tente de les réduire".

    Paradoxalement, Louise espère, mais sait très bien qu'elle n'obtiendra pas de réponse à son courrier abondant. Alors pourquoi écrire à Clément, l'homme qui était amoureux d'elle dans le passé, l'homme qui l'a quittée pour une autre ? "Cette écriture censée t'être destinée, [...] n'est évidemment qu'un acte profondément égoïste". Ces lettres sont comme des bouteilles à la mer, qui lui reviendront à elle-seule.

    Et puis, finalement, cette femme tant désemparée, rencontre un autre homme, qui lui fait oublier le passé. Une trame simpliste au premier regard, qui tourne parfois un peu à la répétition, mais finalement demeure une ambiguïté : derrière l'apparat des mots, Louise a-t-elle vraiment décidé de "se résoudre aux adieux" ?

    P.Besson, Se résoudre aux adieux, roman Julliard, 188pages, janvier 2007, 18€

     

  • Livre : Un jardin dans les Appalaches ( Animal, Végétal, Miracle), de Barbara Kingsolver et Steven L. Hopp

    Dans Animal, Végétal, Miracle, la romancière Barbara Kingsolver, son mari et ses deux filles ont quitté Tucson pour s'installer dans leur ferme en Virginie. Ils ont décidé d'être "locavores" ; pendant un an, ils ne consommeront que des aliments cultivés dans leur ferme ou dans leur voisinage. Chacun d'entre eux avait le droit de se faire plaisir en dehors de cette restriction (café, chocolat, fruits secs et épices). Ils ont passé leur année à renouer avec la terre et les cycles de la nature. *

    Barbara Kingsolver, accompagnée de notes de son mari et de sa fille, revient sur leur année d'agriculture, de jardinage et de redécouverte d'un régime et d'un mode de vie plus sains. Animal, Vegetable, Miracle a reçu des critiques plutôt positives, le Boston Globe déclarant : "Plus que les meilleurs livres de cuisine, Animal, Vegetable, Miracle vous donne envie de sortir et de manger, de cuisiner, de jardiner et de réfléchir, et de vivre une vie passionnée et sensée. Ma grande crainte, en faisant la critique de ce livre, est de le faire passer pour le traité d'une mère de la terre et d'une bienfaitrice à la noix, plutôt que pour un ouvrage profond, gracieux et littéraire de philosophie et d'économie, bien tempéré pour notre époque et pourtant intemporel." 

     

     

    Un jardin dans les Appalaches (Animal, Vegetable, Miracle),  de Barbara Kingsolver et Steven L. Hopp

  • avis sur : Mort aux Ramones !, de Dee Dee Ramone

    "Une bio des Ramones ? On va bien se marrer !" Voilà en gros ce qu’ont dû penser la plupart des lecteurs avant d’entamer ‘Mort aux Ramones’, l’autobiographie de Dee Dee Ramone, ex-bassiste du groupe punk le plus joyeusement crétin de tous les temps. Ils se fourvoyaient. Premièrement, il s’agit bien d’une biographie de Dee Dee, pas du groupe : ses "frangins" n’ont qu’un rôle secondaire. Deuxièmement, ce livre est d’une tristesse à mourir. Pendant trois cent pages, Dee Dee relate période par période, anecdote par anecdote, les souvenirs les plus sordides de son existence. Une vie entière à chercher de la drogue, à traîner dans des appartements miteux, à chercher de la drogue, à se battre avec son road manager et se faire plaquer par ses copines prostituées. L’intérêt historique du livre repose uniquement sur les quelques héros punks croisés chez le dealer du coin : Johnny Thunders, Sid Vicious, Jerry Nolan ou Stiv Bators.


    ‘Mort aux Ramones’, c’est un peu l’histoire du rock new-yorkais vue par le trou de serrure des toilettes. Mais c’est justement cet éclairage glauque qui rend ces figures poignantes et humaines. La plupart d’entre elles finit dans la tombe ; il y a plus de morts dans ce livre que dans n’importe quel film avec Schwarzenegger. D’ailleurs, Dee Dee, qui lutte contre l’héroïne pendant tout le bouquin, mourra à son tour la seringue dans le bras deux ans après sa publication. Un tel déballage de noirceur ne risque-t-il pas de mener le lecteur à l’overdose (ha ha) ? Non, car son auteur se refuse à verser dans l’apitoiement. Le ton est teinté d’un humour fataliste irrésistible et d’une naïveté bien plus touchante que ne le serait une introspection gavée de pathos.

    Rien d’étonnant : l’auteur de ‘Now I Wanna Sniff Some Glue’ ne pouvait pas être une mauvaise plume. Il est donc d’autant plus dommage que la traduction ait ajouté des fautes ("loser" ne prend qu’un "o") et sacrifié le titre original, ‘Poison Heart’.

    Mort aux Ramones ! de Dee Dee Ramone Editeur : Au Diable Vauvert Publication :8/11/2007 

  • Avis sur The Anthologist, de Nicholson Baker

     

    L'Anthologiste est raconté par Paul Chowder, un poète d'âge moyen qui connaît un certain succès. Il aime la poésie qui rime, même s'il écrit ses poèmes en vers libres. Il traverse une période difficile. Sa petite amie de longue date l'a quitté et il n'arrive pas à écrire l'introduction de sa nouvelle anthologie de poésie qui rime. Il serpente à travers sa vie, ruminant l'effet des poètes et de la poésie sur sa vie. Ses observations de la vie et de la poésie lui apportent un éclairage qui lui échappe souvent. Le roman de Nicholson Baker a reçu des critiques positives. The Scotsman a déclaré : "The Anthologist se présente comme un roman, mais se lit plutôt comme un monologue ; il présente certains aspects du journal intime et des mémoires, mais aussi la richesse que l'on attend d'un livre critique.

    Quel que soit le nom que nous décidons de lui donner, nous pouvons savoir qu'en utilisant de beaux mots pour raconter une histoire sur une vie, anthologisée, Baker réussit à produire un festin pour les sens, l'esprit et l'âme."

    The Anthologist,  de Nicholson Baker

  • chronique de : Les Carnets de Victorien Mars, Maxence Fermine,

    Avec son nouveau roman, Maxence Fermine s’attaque à la Grande Guerre. Il y raconte l’horreur des combats, la peur, le froid qui paralysaient les soldats. Mais pour Victorien Mars, jeune horloger mobilisé en 1914 l’ennemi n’est pas celui que l’on croit. Bien sûr, de l’autre coté, il y a l’envahisseur qu’il faut repousser. Mais quand dans son camp, un gradé décide de mener sa propre guerre en dépit de toutes les règles, quelle position adopter ? Doit-on se taire, subir, accepter l’impensable ? Ou tenter comme Matteo, Tanguy, Luc et Victorien de faire justice soi-même ?

    Maxence Fermine avec ce texte court parvient à plonger son lecteur dans l’enfer des tranchées de Verdun et à écrire les liens tenus qui se tissent entre les soldats d’un même bataillon.

     

    Les Carnets de Victorien Mars, Maxence Fermine, Albin Michel, 190 pages, 15 euros

  • Journal d'Hélène Berr

    Publié pour la première fois, et dans son intégralité, le ‘Journal d'Hélène Berr’ se révèle être un précieux témoignage de l'Histoire. Les premiers jours, Hélène Berr évolue dans une atmosphère optimiste, ponctuée de week-ends à Aubergenville, dans la maison familiale. La guerre semble ne pas l'atteindre, pourtant elle a conscience qu'elle est en train de témoigner par l'écriture.

    Dans sa vie, l'occupation est reléguée au second plan, bien après les amis, le violon et la littérature anglaise. Mais l'étoile jaune vient freiner ses longues promenades dans les rues de Paris. Puis, un silence de 10 mois marque une rupture, et laisse penser le pire. Mais Hélène réécrit, rongée par la guerre, à 21 ans à peine. Son style change, elle ne fait plus d'efforts de rédaction. Juste de simples mots couchés sur le papier, uniquement pour se souvenir d'un nom, d'une rue, d'un moment agréable. Un revirement surprenant, habitué que l’on est à ce qu'elle raconte tous ses faits et gestes. Alors plusieurs questions surgissent : Pourquoi écrit-elle si peu ? Où était-elle pendant tout ce temps ?


    Dans ce journal, l'écriture est une thérapie, une longue réflexion sur l’être humain. Toujours lucide, Hélène Berr s’interroge sur les conséquences à long terme de la déportation. La jeune diplômée ne critique personne, à tel point qu'elle reste même impartiale face aux nazis. Après avoir refusé de fuir en zone libre, elle est déportée à Bergen-Belsen au printemps 1945. Ce journal de 300 pages est bien plus qu'un carnet intime, c'est un ouvrage-témoin. Impressionnant de rigueur et, disons-le, de courage.

  • Encyclopédie capricieuse du tout et du rien de Charles Dantzig

    Systématique, ordonné, Charles Dantzig s’applique à faire des listes. Oui mais voilà, l’‘Encyclopédie capricieuse du tout et du rien’ est un trompe-l’oeil. On en tourne les pages dans une joyeuse anarchie, valsant du littéraire au quasi trivial. Le ton est celui du bavardage : l’auteur se montre inconstant, badin. Il adopte un verbiage de sorbonnard, puis l’abandonne pour un soliloque de comptoir - ou celui d’un bar huppé. Tantôt Charles Dantzig irrite parce qu’il se montre péremptoire, tantôt il agace parce qu’il semble épris de son babil. Mais qu’on se rassure, son ‘Encyclopédie’ n’a rien de monochrome.


    Les listes s’égrainent dans une urgence silencieuse, souterraine. Comme s’il fallait tout recenser, tout fixer sur le papier sans rien oublier, avant qu’il ne soit trop tard. La plume bondit du coq à l’âne. Pourtant l’illusion du titre dissimule une intimité profonde : à travers la pléthore de listes, ce n’est autre que lui-même qu’il écrit. Chaque article devient la pièce du puzzle Dantzig : l’écrivain joue pour mieux se jouer de la mort. Primesautier, il possède un sens de la formule réjouissant - la phrase est vive, l’esprit, incisif. Charles Dantzig pratique le pied de nez à tour de bras et cependant demeure dans le doute face à lui-même et à ses écrits. Voilà pourquoi son livre touche et convainc. Une capricieuse “encyclopédie”, délicieuse aussi.

    Encyclopédie capricieuse du tout et du rien de Charles Dantzig, 

     

    Editeur : Grasset
    Publication :7/1/2009

     

  • Plus tard ou jamais d'André Aciman

    Tout est amour, tout est relatif, tout est sexuel. Et tout est sensuel pour André Aciman. Car dans ‘Plus tard ou jamais’, le monde est une pêche, belle et ronde, mûre à point, offerte à la bouche ardente du narrateur. Elio fait l’expérience du désir, et s’y plonge avec l’énergie candide et fougueuse de ses 17 ans.
    Mais plus que de désir, c’est bien d’amour que parle ‘Plus tard ou jamais’, d’un été hors du temps qui constitue l’apogée d’une existence. Hélas, que vivre, et comment vivre après s’être senti si vivant, si parfaitement heureux ?

    André Aciman recompose un amour total - parce qu’une véritable rencontre a eu lieu, parce qu’une intimité sans limite s’est établie entre deux êtres. Dans une étonnante réflexion sur la mémoire, il nous confronte au corps du souvenir. C’est un passé qui sommeille sous l’épiderme, qui a pris possession de son hôte et qui pourtant, appartient à un autre temps, à une autre vie. Un passé monstre qui a échappé à son détenteur pour mener une existence autonome. Revenir sur cet âge est l’occasion pour le narrateur de se définir comme la somme de toutes les personnes qu’il a été. Sans lourdeur ni ostentation, l’écrivain manipule ce concept philosophique comme pour mieux dire la complexité des sentiments. A cet amour impossible et absolu, André Aciman donne une portée universelle : l’autre est à la fois chez soi et ailleurs, à jamais présent et à jamais perdu.

    Plus tard ou jamais d'André Aciman, 

    Editeur : L’Olivier
    Publication :2/10/2008