Bernard Pivot a dit de Philippe Besson qu'il était un "spéléologue" de l'intime. Beaucoup de critiques voient en lui un raconteur d'histoires hors pair, ce qui aurait pu le conduire à reproduire indéfiniment ses oeuvres, sur un même modèle, en modifiant un peu la trame. Mais après Un instant d'abandon (voir notre critique), Philippe Besson a éprouvé le besoin d'écrire autrement. Il a choisi, dans Se résoudre aux adieux, le roman épistolaire, en se glissant corps et âme dans l'esprit d'une femme qui tente d'oublier l'homme qu'elle a aimé, qu'elle aime encore sans oser se l'avouer, en choisissant de s'éloigner : en choisissant l'exil. "Oui, je suis une femme qui vacille" lui fait-il dire. Saphira, Une femme qui ressasse ses souvenirs, comme un exutoire, mais pas un échappatoire. Chaque mot est comme une fêlure supplémentaire. "non, tu ne m'as rien laissé, que la mémoire. La mémoire, elle, freine les convalescences".
Et c'est pour cela que Louise s'éloigne, toujours plus loin, ailleurs, nulle part, pour se retrouver, elle, perdue dans ses sentiments. Elle voyage, dans l'Orient Express, à la Havane, à New York, en Italie, où elle espère pouvoir enfin respirer. "Et si l'Italie, c'était revivre enfin ? Ne plus être écrasée par les souvenirs, mais apprendre à vivre avec eux". Mais l'exil n'est-il pas vain ? C'est la question à laquelle elle doit se confronter, chaque jour, lorsqu'elle rencontre les impasses, les boulevards inachevés, les chemins de terre que lui offrent ses souvenirs. C'est comme si le temps était suspendu et qu'elle tournait inlassablement en rond. " de toutes façons, tous les exils sont illusoires, paraît-il, l'éloignement ne règle rien, et on ne finit jamais très loin du point où on était parti."
Sans s'en rendre compte, Louise emprunte à ces "on-dit", puisqu'elle finira par retourner sur Paris, l'écriture ayant juste aidé à poser des mots sur ses maux, mais pas à les exorciser. "seule avec ton souvenir, et ton absence, et ton silence, et l'écriture qui tente de les réduire".
Paradoxalement, Louise espère, mais sait très bien qu'elle n'obtiendra pas de réponse à son courrier abondant. Alors pourquoi écrire à Clément, l'homme qui était amoureux d'elle dans le passé, l'homme qui l'a quittée pour une autre ? "Cette écriture censée t'être destinée, [...] n'est évidemment qu'un acte profondément égoïste". Ces lettres sont comme des bouteilles à la mer, qui lui reviendront à elle-seule.
Et puis, finalement, cette femme tant désemparée, rencontre un autre homme, qui lui fait oublier le passé. Une trame simpliste au premier regard, qui tourne parfois un peu à la répétition, mais finalement demeure une ambiguïté : derrière l'apparat des mots, Louise a-t-elle vraiment décidé de "se résoudre aux adieux" ?
P.Besson, Se résoudre aux adieux, roman Julliard, 188pages, janvier 2007, 18€